De la coiffeuse à domicile
-Bonzour madame, vous voulez quoi comme coiffure ?
-Et bien, je ne sais pas, quelque chose qui change…
-Ah d’accord ! Ze vais vous faire une très belle coiffure. Ze vais vous brosser les sseveux, voilà comme ça. Rhôoo mais ça tient pas. Attendez madame, ze vais vous mettre une barrette.
-Aiiiiiiiie !!!
-Oui, ze sais ça fait un peu mal, mais c’est normal, après ça va aller madame. Voilà.
Et puis ze vais vous mettre un serre-tête. Vous voulez lequel madame ?
-Celui-là, le vert avec une fleur rose.
-Ah oui, celui-là, il est très zoli.
Attendez, enlevez un peu votre oreille, Madame, là voilà.
Bon pour l’instant, ze sais, vous êtes un peu mosse, mais c’est normal, ne vous inquiétez pas, à la fin vous allez être tellement belle que votre mari va tout de suite tomber amoureux de vous.
Voilà ze razoute un élastique, ça fait un peu mal aux sseuveux, mais c’est normal et voilà vous êtes magnifique.
Attendez madame, ze vais vous montrer votre coupe dans le miroir.
Et voilà !
-Ah bah oui, effectivement ça change !
-Si vous voulez, ze pourrais vous refaire la même coupe pour aller à l’école demain.
-Heu… je ne sais pas trop…
-Mais si Maman! Tu sais, tu es tellement belle que ze vais t’inviter à mon anniversaire de quand z’aurais 5 ans !
-Ah bon! Tu vas m’inviter ? Ah bah qu’est-ce que je suis contente !
-T’es émue alors ?
-Ah bah oui, hein…
-Mais bon tu rattrapes tes larmes…
-Et oui, c’est ça, je rattrape mes larmes !
Toute bonne mère au foyer qui se respecte est un jour passée par l’épreuve de la coiffeuse à domicile…
Vous l’aurez compris, cette séance de coiffure relève moins du moment de bien-être, que de la torture. Le summum du calvaire étant atteint avec le supplice de l’élastique et le coup fatal porté par l’implacable miroir magique.
Oui, la coiffeuse à domicile, ça fait mal aux sseveux (mais c’est normal) et à l’amour propre et pourtant qu’on ne s’y trompe pas, le plaisir est bien là.
Il est dans l’observation attentive des secousses d’excitation qui agitent le corps de l’apprentie coiffeuse, dans l’effleurement fébrile de ses petits doigts s’acharnant sans logique sur une mèche futile, dans l’écoute minutieuse des inflexions de sa voix manifestant son bonheur à coups de gloussements sans pudeur.
Mais plus que tout, le plaisir se lit dans les yeux de la petite coiffeuse qui renvoient à sa mère un verdict tout aussi implacable que celui du miroir magique.
Car oui, dans le reflet de cet amour inconditionnel, elle sera toujours la plus belle.