Du redresseur de tort
Au foyer, il y a les semeuses de troubles…
Elles sont au nombre de trois, toutes du sexe faible, vous l’aurez compris, et elles passent le plus clair de leur temps à joncher le sol de cette maison de leurs bêtises et de leur insubordination…
Et il y a le redresseur de tort…
Chevalier solitaire, possédant un sens de la justice inné, il s’est donné comme un mission de faire respecter l’ordre et de veiller à la propreté immaculée de notre parquet…
Les semeuses de troubles n’ont qu’à se tenir bien, sous peine de subir les sanctions impartiales du justicier de droit divin…
Le justicier, en bon homme de droit, a catégorisé les fautes dans un système d’échelonnage très complexe que les semeuses de troubles, qui sont également de profondes ignardes sans éducation, ne peuvent maîtriser…
Dans la catégorie 1, on trouve des fautes substantielles comme, par exemple : oublier d’éteindre la lumière des escaliers ou ne pas penser à tirer la chasse d’eau jusqu’à ce que le réservoir soit vidé…
Dans la catégorie 2, sont recensées les fautes graves comme : laisser le feu s’éteindre dans la cheminée ou oublier de mettre le lave-vaisselle à rincer…
La catégorie 3 regroupe les fautes impardonnables, comme laisser la porte de la cave entrouverte, car cela fait rentrer le froid dans la maison ou bien faire la vaisselle en faisant gicler de l’eau « partout » car ça « inonde » du sol au plafond…
Au vu de ce petit exposé, je vous laisse imaginer le courroux du justicier lorsqu’en rentrant du champ de bataille l’autre soir il s’est aperçu qu’il faisait 16° dans la maisonnée, parce que la plus coriace des semeuses de troubles avait laissé un des velux ouvert en partant le matin et qu’en plus, comble d’horreur, la pluie avait raviné le parquet !
A croire qu’elle le fait exprès !
Après avoir pesé la faute dans sa balance impitoyable, le justicier décida donc de punir cette incompétente patentée et après l’avoir fortement réprimandée, après avoir vitupéré toute la soirée, il finit tout de même par se calmer en trouvant un peu de réconfort dans l’autosatisfaction qu’il retira à l’idée de son devoir de justicier si consciencieusement accompli…
Et notre redresseur de tort, diront les lecteurs avisés, ne faute-il donc jamais ?
Comme chacun sait, on ne peut être juge et parti, donc notre redresseur s’efforce de se maintenir dans la perfection… lui…
Hormis quelques petits incidents insignifiants…
Comme avoir défoncé le mur du palier et la moitié des escaliers après avoir présumé qu’il pourrait descendre seul de l’étage un radiateur en fonte de près de 100kg…
Comme avoir laissé pendant 4 jours la fenêtre de la voiture ouverte sur le parking de la gare alors qu’il pleuvait à verse -incident à la suite duquel il fallu brancher le radiateur pendant une semaine à l’intérieur de la voiture, pour éviter que les sièges ne pourrissent-
Comme être bloqué dans l’aéroport parce que sa carte d’identité était périmée et devoir, par conséquent, décaler son vol en engendrant un surcoût de près de mille euros par rapport au budget de départ…
Comme avoir brûlé, pas plus tard qu’hier soir, le parquet du rez-de-chaussée au 6ème degré en jetant, comme un bûcheron, une énorme bûche au milieu des braises de la cheminée…
Hormis ces quelques petits incidents… Lui est parfait.
Ces incidents ne sont d’ailleurs évidemment jamais vraiment de son fait…
Et quand bien même il aurait des doutes…
Dans ces moments là, il trouve toujours auprès de lui, des semeuses de troubles, ô combien incompétentes mais bêtement bienveillantes, qui le rassure en lui disant que l’erreur est humaine et que tout le monde peut se tromper…
Même les justiciers…
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